Après ma lecture récente de Il était une lettre, j’ai enchaîné avec La meilleure part, de Bertrand Savoye, toujours sur ce même thème d’un lien qui se crée par hasard entre une personne du passé et une du présent, et qui aide celle du présent à surmonter un passage difficile de sa vie. Décidément, j’adore ça : nous n’avons qu’une vie, mais la littérature peut être un puissant moyen d’en repousser les frontières et d’établir des ponts entre les époques sans besoin de machines complexes à remonter le temps… les écrits servent de lien avec celles et ceux qui nous ont précédés. Dans le cas de la meilleure part, ce n’est pas une lettre, mais un journal intime que retrouve une femme en pleine crise du milieu de vie.

Si ce journal intime a un effet sur elle, ce n’est pas de manière grossièrement directe, mais parce qu’au contact de la joie de vivre d’une jeune femme de l’entre-deux-guerres, notre contemporaine au bord de la dépression a soudain l’attention attirée par d’autres choses dans sa propre vie, pose un regard différent sur le monde et les personnes qui l’entourent. Elle décentre son regard, comme aurait pu le faire une psychothérapie ; sauf que cela agit à son insu, puisque ce n’était pas planifié, puisqu’elle n’avait pas formulé de demande. Et cela agit puissamment, et on a envie de la suivre dans sa renaissance, dont l’auteur explore subtilement les ressorts.

C’est tout cet aller-retour entre passé et présent, qui se répondent, se juxtaposent, qui rend la lecture de la meilleure part absolument captivante, d’autant plus que sa construction est très habile… au début, l’alternance des chapitres, l’un dans le présent, l’autre dans le journal intime du passé, est une simple juxtaposition, qui intrigue : comment le lien va-t-il se faire ? Il s’avère alors que cette juxtaposition n’est rien d’autre que la préparation de la suite : à l’instar de ce qui se passerait dans la réalité et de ce qui se passe pour le lecteur, la lectrice contemporaine commence par s’imbiber de ce témoignage inattendu sans prendre conscience de son action sur elle, et petit à petit, cette action se concrétise, elle y réfléchit, l’envoûtement monte, et elle fait bouger sa vie.

C’est une femme neuve qui émerge de la fin du livre… mais je ne vous révèle pas toutes les péripéties qui aboutissent à ce résultat, ni en quoi Marthe est une femme neuve. Pour le savoir, lisez ce livre qui est ma première découverte de 2018 et restera peut-être la plus charmante !

Retrouvez la critique de Marceline Bodier dans Babelio

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